Petit retour dans le temps, à la rentrée 2020. La transition entre la huitième et la neuvième génération de consoles s’officialise avec le PlayStation Showcase de Sony où ce dernier dévoile la date de sortie ainsi que le prix de la PlayStation 5. Malgré le passage à des supports plus puissants, d’excellents titres sont publiés. C’est l’année du scandale Cyberpunk 2077 mais aussi la sortie d’Animal Crossing : New Horizons, de The Last of Us Part 2 ou encore de Final Fantasy VII Remake. Bref, inutile d’être exhaustif tant les jeux ont été nombreux cette année-là.

Mais il y en a un qui vient bouleverser la hiérarchie établie des blockbusters. Un jeu d’un studio indépendant, connu par les amateurs, qui est nommé dans huit catégories des Game Awards dont celle du meilleur jeu de l’année : il repartira alors avec deux trophées, celui du meilleur jeu d’action (devant un certain Doom Eternal) et celui du meilleur jeu indépendant. Un titre qui sort de son accès anticipé en septembre 2020 sur Steam et qui séduit presse et public. Ce jeu, aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs de tous les temps si l’on en croit l’agrégateur de notes metacritic, c’est Hades. J’avais l’envie de le faire afin d’être prêt pour Hades II. C’est une première pour Supergiant Games de faire une suite et elle est déjà le titre le plus souhaité sur Steam devant Manor Lords et Hollow Knight : Silksong. Je l’ai donc terminé à 100%, y ai consacré une soixantaine d’heures de jeu, et je ne comprends pas pourquoi on l’a autant encensé.

Hades figure dans le top 120 des jeux les mieux notés sur metacritic.

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Hades, une perle d'écriture dans un folklore mythique

À l’instar des précédents jeux de Supergiant Games, Hades se place dans un folklore lié à la Grèce Antique. Le joueur incarne Zagreus, le fils du Dieu de la Mort et des Enfers Hades. Il cherche à s’échapper du royaume de son père et apprend, assez rapidement, que sa mère existe. Il cherche donc à tout prix à rejoindre le monde des mortels pour la rencontrer. Son père, appréciant peu cette initiative, essaye de l’en empêcher. Bien que l’on comprend rapidement qu’il ait ses raisons de le faire, il se pose rapidement comme antagoniste à Zagreus.

Pour rejoindre l’autre rive, le prince des Enfers doit donc traverser quatre régions distinctes : le Tartare, l’Asphodèle, l’Élysée et une espèce de pénitence où règnent rats et autres créatures venimeuses. Pour traverser les nombreuses pièces qui composent son périple, Zagreus doit y éliminer chaque ennemi (avec l’arme de son choix, six au total) avant de passer à la suivante. Un challenge qui se révèle ardu durant les premières heures de jeu : lors de sa première tentative, il est très probable que le joueur décède.

C’est lors de ses premiers essais mais surtout de ses premières morts que le joueur comprend petit à petit la particularité d’Hades : outre le fait qu’il s’appuie sur une génération procédurale, proposant des challenges différents pour chaque tentative de fugue, ce sont les dialogues de chaque personnage qui évoluent qu’il soit un dieu de l’Olympe, un prisonnier ou un chtonien. Revenir au Royaume des Enfers à sa mort signifie peut-être retour à la case départ, mais ce n’est jamais un retour en arrière. Une idée super maline pour le genre du roguelite, d’autant qu’elle est (presque, vous vous en doutez) maîtrisée. La qualité d’écriture d’Hades lui vaut même un prix Hugo : une récompense qui salue la qualité d’une œuvre de fiction ou de fantasy. Une première pour un jeu vidéo.

Certaines actions se débloquent aussi en fonction des situations. Une fois après avoir vaincu le boss final, il y a un retournement de situation. Ce dernier engage le joueur à retraverser tous les Enfers pour voir de nouveaux dialogues. Il existe de nombreux personnages avec lesquels discuter et on s’attache donc très rapidement à tout ce petit monde, d’autant que le doublage mis en place (mention spéciale à la voix de Liam Cunningham pour le narrateur) est d’excellente facture.

Point faible ? Trop fort

Si je rappelle rapidement les qualités d’Hades, c’est pour mieux illustrer ses faiblesses. En sa qualité de roguelite, le titre de Supergiant Games aide le joueur après chaque tentative, même ratée. Durant son périple, Zagreus amasse de la monnaie lui permettant d’acquérir de nouveaux bonus. De la vie supplémentaire, plusieurs possibilités de ressusciter, plus de pièces d’or à récolter… Le prince des Enfers surpasse vite ses concurrents et il devient rapidement facile de réussir toutes ses tentatives de fugue. Quelque chose de faisable grâce à la structure finalement assez linéaire de Hades : on connaît rapidement le bestiaire sur le bout des doigts et les boss, qui changent peu malgré les mesures d’urgence, n’ont plus de secrets à nous cacher.

Le miroir de la nuit, qui vient faciliter les évasions.

Hades reste facile malgré le système de température : un système qui force à activer des paramètres divers et variés (nouvelles techniques pour les boss, des pièges plus dangereux, moins de bonus…) si l’on veut continuer à amasser des ressources. Un contenu en fin de jeu qui ne parvient pas à forcer le joueur à changer sa routine. Pour ma part, difficile de me séparer d’un set-up avec l’ulti d’Artémis, l’élan de renvoi d’Athéna, le tout avec une attaque et une technique infligeant une condition d’état. J’ai pu réussir douze tentatives d’évasion à la suite et ai réussi du premier coup la température 16 sans difficulté.

Attention à ne pas me faire dire ce que je n’ai pas dit : il existe de nombreuses combinaisons possibles de bienfaits, d’armes et de températures aussi jouissives les unes que les autres. Mais le titre n’encourage pas le joueur à se diversifier comme peuvent le faire Slay the Spire, Binding of Isaac, Rogue Legacy ou encore Dead Cells.

Le temps est long en enfer

Hades reste toutefois un excellent hack’n’slash mais pêche pour son côté roguelite. Ça tombe bien, c’est surtout pour son écriture exceptionnelle qu’il a été récompensé. Il est possible de nouer des romances avec plusieurs personnages ; et certains ont une histoire de fond inspirés de faits racontés et décrits. Encore faut-il avoir la patience d’aller jusqu’au bout !

La relation avec Thanatos est chouette à suivre, autant que celle avec son frère Hypnos.

Comme déjà dit précédemment, il y a un retournement de situation une fois la première tentative d’évasion de Zagreus réussie. De nouveaux dialogues s’ouvrent ainsi que de nouvelles possibilités de gameplay, encourageant le joueur à s’échapper de nouveau des Enfers. Une première fin arrive alors au bout de neuf fugues supplémentaires réussies. Là encore, les personnages ont toujours de nouvelles choses à raconter à Zagreus. Et si le joueur ignore qu’un épilogue lui est réservé, il peut se coucher l’esprit tranquille en rangeant Hades au placard.

Mais c’est à partir de là que le cauchemar commence. Pour lancer la quête de cette conclusion, il faut attendre que le personnage concerné (on ne veut pas spoiler, par précaution) nous en parle. Quelque chose d’aléatoire qui peut faire vite lancer des parties dans le vide histoire que le script se déclenche. Du temps de jeu inutile puisque l’on veut juste voir la suite des événements sans forcément s’enterrer dans la boucle rébarbative des tentatives d’évasion. Il n’y a rien qui permet de déclencher rapidement certains dialogues pourtant fondamentaux à la poursuite de l’histoire.

Quelque chose qui s’observe à plusieurs reprises à la fin du jeu, et surtout dans le cadre de l’épilogue qui demande à Zagreus d’être très proche de six dieux de l’Olympe. L’affinité avec chacun s’améliore au fur et à mesure des conversations. Le cœur final, synonyme d’une relation maximale, est parfois verrouillé derrière une condition à remplir. Mais satisfaire cette condition ne garantit pas de maximiser la relation dans la foulée. En témoigne la centaine de poissons que j’ai pêché durant mes heures de jeu, alors qu’il en faudrait seulement 18 pour déclencher la séquence avec Poséïdon. Cela a de quoi frustrer et ce n’est pas un cas isolé. Pour connaître le destin de Patrocle et d’Achille malgré avoir fait le nécessaire, j’ai dû faire cinq tentatives d’évasion pour enfin voir le premier dans les Champs-Élysées.

Hades 2 : je n'ai plus envie d'y jouer ? Bien au contraire

Cette espèce d’aléatoire vient ajouter de la frustration au joueur et tire vers le bas l’idée excellente de Supergiant Games pour le roguelite. Elle vient ajouter du temps de jeu inutile (j’ai l’impression d’avoir mis 20 heures en trop dans le jeu, vraiment) à une expérience qui pourrait être bien plus dynamique et qui tiendrait bien plus en haleine le joueur/spectateur. Une nervosité qui collerait alors à son gameplay maîtrisé de hack’n’slash.

Hades II.

Après avoir lu ces lignes, on peut s’interroger. Est-ce que ça en valait la peine ? N’ai-je pas tué aujourd’hui mon intérêt pour Hades II, prévu pour arriver en accès anticipé sur Steam à la fin de l’année ? Non, bien au contraire. Il faut dire que si Hades ne m’avait vraiment pas plu, j’aurai posé la manette bien avant d’investir soixante heures dedans. Cela ne doit pas m’empêcher non plus de m’interroger sur son énorme succès et de mettre en lumière ce qui ne m’a pas plu. C’est justement ce que je considère comme des défauts que je vais suivre de près. C’est la première fois que Supergiant Games décide de faire un épisode 2 de l’un de ses titres. C’est donc avec beaucoup de curiosité que je vais m’intéresser à Hades 2, à la princesse des Enfers Mélinoé et son périple pour vaincre les Titans.