S'abonner au Game Pass pour Xbox et/ou PC de 3 à 6 mois chez Amazon

L’offre miracle

Lorsque Netflix est arrivé sur le marché français, il a opéré un changement drastique dans nos habitudes. Durant mes premières mois d'abonnée, je consacrais parfois des journées entières au visionnage des productions de cet Eldorado. Les termes anglophones binge watch sont devenus monnaie courante dans les discussions, faisant référence à des heures de visionnage d’une même série sans interruption. Pour une fois, des millions d’usagers acceptaient de se détourner de leurs plateformes pirates privilégiées pour souscrire à un abonnement en bonne et due forme. L’offre est révolutionnaire : pour moins de dix euros, soit éventuellement le prix d’un DVD, c’est des centaines de productions qui semblent se donner généreusement à nous. Trop beau pour être vrai ? une interrogation également émise lors de la parution du Xbox Game Pass. Plus besoin de toujours acheter son titre 70 euros. Avec un peu de chance, à terme, il sera disponible dans l’immense catalogue de Microsoft. La bibliothèque est passée d'environ 100 à plus de 400 jeux. La flopée de jeux indés que j'entassais patiemment dans mon panier Steam a aujourd'hui de grandes chances d'atterrir Jour J dans le Game Pass. Avant son avènement, mes dépenses étaient précieusement réparties sur les jeux qu'il me tardait le plus de découvrir. Désormais, ma logique consiste plutôt à exploiter au maximum mon abonnement avant de dépenser mon argent ailleurs. Mes premiers jours à m'essayer au service me semblaient presque irréels. À tel point que je me suis convaincue qu'il fallait en profiter un maximum avant que Microsoft ne réalise l'ampleur de l'offrande faite aux joueurs et n'opère un rétropédalage. D’autant que l’éditeur s’arme de productions de plus en plus alléchantes. En 2021, il est considéré comme le meilleur de sa catégorie selon l’agrégateur Metacritic. Et des mastodontes promus dans les grandes conférences de l’E3 apparaissent même dès leur sortie dans le service du géant.

D'ailleurs, comment la boîte de Phil Spencer peut-elle vraiment trouver son compte dans cette affaire où le joueur ressort si gagnant ? Xbox estime que l’engagement de ses abonnés est un indicateur de performance clé, un KPI. Dans les statistiques, l’entreprise souligne que les utilisateurs du Game Pass dépensent 60 % de plus en jeux et 45 % de plus en extensions que ceux qui ne sont pas abonnés. Ils ont également tendance à jouer à 40 % de productions en plus que les non-abonnés. En somme, le service ferait office de moteur de découverte pour de potentiels acheteurs. Finalement, Microsoft est content, les développeurs sont contents et les abonnés sont d’autant plus contents. Mat Piscatella, analyste du NPD Group nuancera tout de même que proposer son jeu sur le Game Pass peut amplifier l'enthousiasme des consommateurs et les ventes à la condition qu’il soit bien accueilli ; Dans le cas contraire, le service peut causer l'effet inverse en nuisant aux ventes. Quoi qu'il en soit, comment rechigner sur une telle offre ? Difficile de trouver des arguments qui vont à l’encontre du Xbox Game Pass.

Surabondance des choix

Mais il y a bien quelque chose qui me chiffonne dans mon mode de consommation. Sur les services SVOD comme sur la plateforme de Microsoft, je ne compte plus le nombre de soirées passées à chercher mon prochain divertissement, mais en vain. En fait, la montagne de propositions à portée de main me déroute presque. J’entame une poignée de productions, estime ne pas accrocher suffisamment pour poursuivre, me lasse et quitte la série ou le jeu en cours. Le procédé est bien injuste pour les créateurs de ces contenus à qui je ne consacre pas assez de temps pour les laisser me convaincre. Même pas dix minutes. Depuis que je suis abonnée au Game Pass, je n'ai jamais autant commencé de jeux sans les finir. Mon comportement est comparable à celui d’un enfant trop gâté qui préfère s’intéresser à son nouveau jouet avant d’avoir complètement profité du premier. Et je ne peux m’empêcher de me dire que si j’avais cédé un peu de mon argent (et donc un peu de mon âme) dans un jeu à l’unité minutieusement choisi, l’investissement émotionnel qui succéderait à l’investissement financier serait bien différent. Mais après, mon système de consommation est-il vraiment mauvais ? Après tout, il m'est accordé la possibilité de feuilleter rapidement avant de trouver la bonne pioche ; donc pourquoi ne pas en profiter ?

En fait, la surabondance des choix est un phénomène bien réel qui a même sa page Wikipédia dédiée. L'expression introduite dans l'ouvrage Le Choc du Futur (Alvin Toffler, Heidi Toffler) renvoie à la "difficulté que rencontrent nos processus cognitifs pour prendre une décision lorsque nous sommes confrontés à de nombreuses options". L'individu est accablé par le surplus de bonnes propositions et par la peur de faire le mauvais choix. Et de poursuivre : "Initialement, plus de choix donnera plus de satisfaction, mais plus le nombre de choix possibles augmente plus les gens ont tendance à se sentir angoissés". En jetant un oeil sur les forums, on comprend rapidement que cette sensation est finalement assez répandue.

L'angoisse du choix excessif, c'est quand on a trop de choix, qu'on se sent un peu dépassé et qu'on a du mal à choisir ou à s'en tenir à une seule chose.

C'est ce que j'ai vécu avec le GamePass. Il y a tellement de choix, et si je choisis un jeu et commence à jouer, je commence à penser "Je ne suis pas sûr que celui-ci soit meilleur que le jeu X, peut-être que je devrais jouer à celui-là" et je finis par perdre beaucoup de temps à passer d'un titre à l'autre. - Témoignagne recueilli sur Reddit.

Pourtant, je suis tout de même très reconnaissante de l'existence du Xbox Game Pass.

L’insaisissable

Il n'y a pas que ça. Si le Game Pass donne l'impression d'accéder à une mine d'or pour une poignée d'euros, difficile d'oublier que certaines propositions sont éphémères ; et tandis que le décompte du départ de certains jeux de la plateforme se déclenche, on se rappelle qu’ils restent tous hors de notre portée. Personne ne possède réellement ses jeux dans le Game Pass ; Alors si vous venez à peine de bâtir la moitié de votre bateau dans Spiritfarer et qu’il s’apprête à quitter le navire dans la semaine, vous voilà bien forcé à l’achever à la hâte. Et c’est tout un sentiment d’urgence qui se crée. Finalement, vous comprenez que vous n’êtes pas maître des lieux et que votre consommation et votre temps de jeu dépendent uniquement des réels détenteurs de la plateforme. Une réflexion poussée par le journaliste James O'Connor, auteur d’un article baptisé “Le Xbox Game Pass est fantastique, mais n'oubliez pas que vous ne possédez pas ces jeux” sur VG247.

Si le marché des abonnements est en plein essor - et cela semble bien parti pour arriver - jusqu'à quel point nos expériences de jeu vont-elles devenir confidentielles ? Comprenez-moi bien : je suis ravi que Gears 5 soit inclus dans mon abonnement, mais j'ai peur que pendant que j'y joue, un autre jeu disparaisse et que je le coche mentalement comme un jeu auquel je ne jouerai jamais.

Et de comparer une fois encore la formule avec celle de Netflix. Quand la NBC a annoncé la fin de son contrat avec Netflix concernant la diffusion de The Office, de nombreux abonnés ont réagi comme si le programme disparaissait tout bonnement de la surface d’internet. “Ce qu'ils regardent n'est pas dicté par ce qu'ils aiment - c'est dicté par ce qui est disponible sur Netflix. (...) Notre accès au divertissement s'élargit, mais il est aussi de plus en plus sélectif, et la même chose devrait se produire dans les jeux”. Et sans concurrent direct pour proposer d'autres alternatives, le Xbox Game Pass joue aujourd'hui un rôle d'influenceur très imposant dans nos orientations. On sait aussi qu'il affecte les processus créatifs des développeurs. Lorsque l'on s'engage dans un service comme le Game Pass, c'est lui qui façonne en partie le reste notre parcours vidéoludique. Tim Schafer par exemple, le patron de Double Fine, a déclaré à GI.biz que le Game Pass lui avait permis de revoir "certaines idées de jeu folles" grâce à la viabilité financière du service.

S'abonner au Game Pass pour Xbox et/ou PC de 3 à 6 mois chez Amazon